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Le summer body n'existe pas : mon interview par Raida Rus pour United Heroes

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Hello Ingrid, si on en croit les médias, nous sommes en pleine saison du « summer body ». Il n’y aurait pas une manière plus saine de parler de notre corps ?

Je ne suis pas sûre qu’il existe une manière 100% saine de considérer son corps. Mais si on réussit à être en paix avec lui, c’est déjà gagné. Ça ne veut pas dire qu’on l’aime tous les jours à 100%, ça veut juste dire qu’on arrête de lui faire la guerre. Et qu’on accepte que c’est notre compagnon de vie, qu’il va changer au fil du temps et qu’on n’y peut rien. On peut le contrôler un peu, mais le corps reste quelque chose qui nous échappe.

Pourtant, partout où on regarde on voit des injonctions à lui faire un tas de choses à ce corps, des régimes drastiques, des entraînements intensifs et j’en passe ! Oui je trouve ça dramatique tout ce qu’on essaie de nous faire croire sur notre corps et ce qu’il devrait être. Surtout à nous les femmes, même s’il ne faut pas négliger le fait qu’il y a de plus en plus d’hommes qui souffrent de troubles alimentaires et de complexes aussi. Cela dit, historiquement les injonctions esthétiques s’adressent souvent aux femmes. Pourtant, notre corps nous échappe bel et bien. Et le mieux que l’on puisse faire c’est (d’essayer de s’y sentir confortable.) d’en faire un allié. Alors que cette notion de confort n’est pas celle privilégiée par les médias. Non. On ne nous dit pas de moins faire souffrir notre corps ou d’y être plus confortable. On ne nous dit pas d’en faire un compagnon de route. Compagnon qui certes nous fait parfois des mauvaises blagues (rires). Du coup, au lieu de le voir comme ça, on s’identifie à notre corps. La manière dont il va être perçu par les autres, ça devient nous. J’ai remarqué que lorsqu’on se met au sport ou qu’on décide de changer notre corps, on a certes des objectifs personnels mais on a surtout des objectifs liés à des injonctions extérieures qu’on a fini par complètement intérioriser! Et ces injonctions sont souvent esthétiques ? Oui parce que la société a des idées bien précises sur ce à quoi doit ressembler un corps sain et productif. Il y a une grossophobie latente qui nous pousse à penser que quelqu’un de gros va être quelqu’un qui se bouge moins, ou qui est un peu feignant. Ce sont des contre-vérités ancrées dans l’imaginaire collectif. Alors on va tout faire pour que notre identité visible, notre corps, soit perçu comme productif et joli à regarder. Pour ça, on nous demande une certaine perfection. Et même lorsqu’on colle aux standards on n’échappe pas à la pression. Même quand on est blanche, jolie, mince et musclée, en somme même quand on correspond à la norme qu’on nous présente on est sous pression. Parce qu’à ce moment-là, on a peur de ne plus coller aux normes (en prenant du poids par exemple) car notre valeur au sein de la société est intimement liée à notre image. C’est sans fin ! Cet idéal d’un corps mince ou « fit » est abruti parce qu’on n’atteint jamais la perfection qu’on nous vend. Et ce phénomène est accentué par l’effet “filtres” des réseaux sociaux, qui créent des complexes en normalisant des visages et des corps virtuellement modifiés. Finalement, on investit beaucoup d’énergie dans tout ça et ça peut jouer sur notre santé mentale. Tout ce temps et cette énergie qu’on consacre à se demander si on est assez belle, on pourrait l’investir dans des choses qui nous font du bien, lire, aller au musée, voir des amis ou manger des frites parfois parce qu’une fois de temps en temps, ce n’est pas dramatique (rires). Alors profitons de cette interview pour transmettre un autre message, quel serait-il ? Et bien, je trouve qu’on ne voit pas assez de messages qui disent « soyez confortable dans votre corps ». En ce moment, selon quel compte on suit sur les réseaux sociaux, on voit deux messages dominants: prépare ton summer body parfait ou sois body positive. Ce mouvement consiste à dire « je m’aime comme je suis peu importe les bourrelets et les imperfections ». C’est un mouvement qui est nécessaire, (il faut s’opposer) qui s’oppose à ceux qui veulent nous faire croire qu’il n’y a qu’une seule manière d’être belle. Mais je ne vois pas beaucoup le message : “fais plaisir à ton corps” ! Là, on sortirait du carcan du visuel pour se concentrer sur ce qui nous fait nous sentir vivants. Tu trouves qu’on a tendance à être dans une démarche trop utilitaire avec notre corps? En tout cas, quand je demande aux gens qui viennent pour la première fois dans mon studio de Pilates qu’est ce qu’ils font comme sport ils me disent souvent soit « oh je ne fais rien depuis des années, je me suis laissée aller » soit « je fais ci parce que ça, et ça parce que ci. » Les deux discours me gênent. Parce que si tu fais du crossfit pour avoir des gros muscles, et que tu fais de la natation pour avoir un bon cardio alors, d’accord, ça va t’apporter ça. Mais où est la notion de plaisir là dedans ? J’entends aussi « no pain no gain » mais c’est atroce non ? C’est informer notre cerveau que ça va être horrible. Comment veux-tu qu’il ait envie de recommencer après ? (rires) Moi je préfère dire « no fun no gain », comme ça on (pense plutôt au plaisir) lie plaisir et progrès, que je considère comme le combo gagnant! De la même manière quand quelqu’un me dit « je me suis laissée aller » parfois j’ai envie de dire, et bien tu avais peut-être mieux à faire. Tu avais peut-être une vie à gérer avant de pouvoir aller à la salle de sport (rires). Donc est-ce qu’on peut faire la paix avec ce corps qui finalement fonctionne ? Parce que ça, c’est déjà super. Je suis pour qu’on remplace le summer body avec le message “ayons un corps qui fonctionne cet été !”. (Rires) Oui et s’il ne fonctionne pas, est-ce qu’on peut le laisser un peu tranquille et lui faciliter la tâche ? Pour passer un bon été au lieu de faire une fixette sur son corps posons nous des questions comme : est-ce que j’ai un maillot de bain sympa à ma taille ? Et à ma taille maintenant. Pas à la taille qu’on rêve de faire après un super gros régime. Est-ce qu’on a prévu des vacances où l’on est dans notre élément ? Si ça nous fait plaisir d’aller marcher deux semaines en montagne, pourquoi on aurait besoin de perdre du poids avant ? Ça n’a pas de sens, vivons le moment présent. C’est un peu ça que je reproche aux messages que l’on nous renvoie sur le summer body et le reste. Au final c’est très scolaire et infantilisant : il faudrait passer l’examen du summer body pour avoir le droit de partir en vacances. C’est absurde. Surtout que ça ne s’arrête jamais, parce que quelques mois après on nous parle de comment éviter les excès pendant les fêtes puis comment rattraper les excès des fêtes. C’est ça ! Alors qu’on ferait mieux de se poser et se demander juste de quoi on a envie et de quoi on a besoin. Si on a des troubles alimentaires c’est un travail à faire avec un spécialiste et probablement pas avec quelqu’un qui calcule les calories, plutôt avec quelqu’un qui travaille sur l’alimentation intuitive. Et si on n’a pas de troubles et bien on a généralement la solution au fond de nous Là, on sort de mois entiers de confinements successifs alors peut-être qu’on a envie de profiter à fond de la réouverture des bars et des restaurants en faisant des petits excès. Mais à côté de ça, qu’est ce qu’on prend du plaisir ! Alors est-ce qu’on peut juste en profiter ? Le plus important c’est de ne pas se faire du mal et de s’écouter. Si on réalise qu’on a pris un peu de poids ou qu’on ne bouge plus assez et qu’on le vit mal, inutile de s’imposer un programme terrible de cinq heures intenses de sport par semaine et un régime drastique. Inutile de se punir ! Au lieu de ça on cherche une activité qui nous fait du bien, qui nous fait bouger et de préférence avec des gens sympas. (rires) Si jamais on n’est pas à l’aise dans son corps, on peut se tourner vers le digital, reprendre doucement chez soi, dans son cocon. Puis on fera monter l’intensité au fur et à mesure de ce que l’on ressent en gardant à l’esprit qu’on le fait pour soi et non non pour satisfaire les messages qui nous disent qu’on pourrait être mieux. On est déjà bien. On est suffisants. Propos recueillis par Raida Rus pour United Heroes


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